ÉVéNEMENTS

La crème du DAAD à Chantilly

10 juin 2018

Le 10 Juin 2018 une petite troupe de DAADistes (à ne pas confondre avec les Dadaistes d’avant-guerre) se retrouva à l’entrée du château de Chantilly pour visiter ce lieu. Les prudents avaient dû être découragés par les prévisions météo qui s’étaient trompées d’un jour.

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Chantilly, à 50 km au Nord de Paris, est une discrète oasis de verdure et de luxe entre les tristes étendues de béton du 9-3 et de l’aéroport de Roissy au Sud et les communes de vieille industrie mal en point de la vallée de l’Oise au Nord. Cette commune de 10.192 habitants est connue pour ses courses de chevaux, son concours d’élégance, la belle architecture en pierre de ses maisons…et son château avec son parc.

Chantilly est une cuvette dominée par trois beaux massifs forestiers où Rois de France et grands seigneurs adoraient chasser (on y chasse encore le cerf, s’habiller chic). Le château occupe une île au milieu d’un lac traversé par une rivière qui porte le doux nom de la « Nonette ». Cette région est celle des beaux noms français…car nous sommes « au pays de France ». Plusieurs communes – dont Roissy la plus célèbre – portent le suffixe « en France » car nous sommes là au pays des « Francs », les « Franken ». Cette tribu belgo-batave-germanique s’établit là vers l’an 500 après JC sous la direction du fameux Clovis, ancêtre de Charlemagne et précurseur des rois de France.  Pourquoi là ? La terre était fertile, plate comme en Hollande, il y avait de l’eau et du bois en abondance, de nombreuses routes et villas romaines…

Revenons au château. Posé sur l’eau, entouré d’une légère brume, son architecture romantique étrange peut faire rêver. Une architecture qui a peu à voir avec les canons (not guns, stupids, les règles) de l’architecture française classique. Une architecture difficile à expliquer car le château fut démoli et reconstruit plusieurs fois. Disons pour simplifier qu’il reste un petit bout Renaissance authentique et un château de forme étrange bâti vers 1880 dans le style Renaissance par un grand personnage, le duc d’Aumale, nous y reviendrons. Et à l’intérieur un remarquable musée de tableaux anciens, la collection dudit duc. Revenons aux tableaux : des enluminures du Moyen Age, des Raphael, un Boticelli etc. etc., plusieurs Ingres, des tableaux « orientalistes » des années 1850 peints par des peintres français, un tableau « moderne », un Corot qui aimait beaucoup cette région riche en promenades secrètes. Bref, des merveilles. Et des curiosités comme ce tableau du 18ème siècle dit « le dîner d’huitres » où les chanceux dotés d’une bonne vue peuvent voir la trajectoire du bouchon de la bouteille de Champagne qu’on vient d’ouvrir. (« Qui n’a pas connu l’Ancien Régime (avant la Révolution) n’a pas connu la douceur de vivre » aimait à dire l’affreux Talleyrand, traitre à son Roi, traitre à Napoléon, mais dont le génie diplomatique sauva la France au Congrès de Vienne en 1815.)

Le Duc d’Aumale ne s’intéressa pas à l’impressionnisme qui venait de naître. Il demanda aussi qu’on ne déménage jamais les tableaux de l’emplacement qu’il leur avait assignés et pour être sûr que tout çà fût bien exécuté et bien préservé, il légua le domaine de Chantilly et ses trésors à « l’Institut de France », c’est-à-dire à l’Académie Française.

Qui était donc ce Duc d’Aumale ? Un militaire un peu maniaque, vous l’avez deviné.

Militaire comme avant lui la famille des Montmorency, chefs des armées royales à l’époque de la Renaissance (qui bâtirent donc dans le dit style) et des Condé Bourbon, grands capitaines de Louis XIV. Un mot sur Condé, dit le grand Condé. Très proche parent de Louis XIV, il gagna sa première gloire à 22 ans ( « La valeur n’attend pas le nombre des années » dira Corneille dans «  le Cid » en pensant à Condé ) en battant une armée espagnole qui attaquait la France en venant de Belgique au mépris de toute géographie. Condé fit immortaliser ses victoires comme le Roi, par une « galerie des batailles » où l’on voit en particulier une « traversée du Rhin ». Nos amis allemands pensèrent que c’était pour attaquer l’Allemagne. Point du tout : c’était pour attaquer la Hollande qui se défendit lâchement en ouvrant toutes les digues et en se laissant envahir … par l’eau. Il n’empêche, la Renommée ne retint que cette splendide traversée du Rhin à un point où il est très large. Condé est aussi célèbre pour le suicide de son intendant Vatel, premier cas de burn out documenté (cf ci-dessous).

Je reviens au Duc d’Aumale, de la famille d’Orléans. La plus illustre famille après celle des Bourbon, rois de France. Frère du Roi, cousin du Roi etc. Apparentés aux Bourbon Condé. Très riches. Souvent extravagants. Grands amateurs d’Art et de Lettres. Parfois rivaux du Roi. Le duc d’Aumale était le fils du dernier roi de France, Louis Philippe d’Orléans, seul roi « constitutionnel », chassé par la Révolution de 1848.

Sa principale gloire militaire, le Duc d’Aumale l’acquit en Algérie où grâce à une charge à cheval héroïque, il prit la « smala » ( =le campement ) d’Abd El Kader, le chef religieux et politique des Algériens. Eh oui, on venait de conquérir l’Algérie, une bien mauvaise idée comme le prouva la suite. Mais bon, les marins Berbères ( du mot « barbares ») aimaient faire des « rezzous » ( =des attaques éclair) du côté de Saint Tropez, ce qui était mauvais pour le tourisme, et le bey ( =gouverneur) d’Alger avait donné un coup d’éventail à notre Ambassadeur. A toute mauvaise guerre, il faut un bon prétexte. On déporta Abd El Kader au château natal d’Henri IV à Pau.

Il existe bien sûr un portrait du Duc d’Aumale à Chantilly. Grand, mince, blond, yeux bleus puisqu’on vous l’a dit en introduction, les  rois de France descendent des Germains.

Le groupe du DAAD alla pic niquer (pas de jeu de mots) au bord d’un canal, étalant ses victuailles sur un parapet, ce qui ne manqua pas d’attirer l’attention d’un énorme cygne blanc. Si grand, si gros qu’on pouvait l’imaginer tirant le traineau de Louis II de Bavière dans la grotte du château de Neuschwanstein.

Enfin, nous terminâmes par un petit spectacle équestre dans les Grandes Ecuries. Une folie d’architecture du 18eme siècle ordonnée par un des Bourbon Condé. Deux charmantes cavalières firent virevolter (que ce mot est joli !) leurs montures dont un poney blanc.

Nous rentrâmes par le train … qui fonctionnait car en France les trains circulent les jours de grève de train. « Il n’y avait pas de grève ce jour-là ? ». Je maintiens ce que j’ai dit, vous n’allez quand même pas apprendre la rationalité aux héritiers du grand Descartes !

 

La triste histoire de l’intendant Vatel

Le premier cas de stress professionnel et de burn out documenté.

Vatel était l’intendant du Grand Condé. Le grand chef logisticien dirait-on aujourd’hui. Aussi, quand le Grand Condé invita Louis XIV à Chantilly pour des Fêtes grandioses, Vatel dut s’occuper de tout : de la cuisine, de la musique, des comédiens, des jets d’eau, des feux d’artifice et de veiller à ce qu’aucune marquise n’ait une chaise plus haute qu’une duchesse. Bref, un job surhumain. Et comme la Fête approchait de sa fin et qu’on était Vendredi, jour de poisson, Vatel attendait « la marée ». Elle ne vint pas à l’heure. C’était la goutte d’eau qui fit déborder le vase.

Vatel se suicida avec son épée « L’affaire fit grand bruit à la Cour » comme on disait à l’époque et les chroniqueurs chroniquèrent longuement.

Compte-rendu : JMG

Photos : DD