ÉVéNEMENTS

Visite guidée de la Goutte d’Or – Tempête de neige sous les Tropiques

17 mars 2018

Ce Samedi 17 Mars 2018, à l’invitation de Stéphanie Schwerter, nous nous retrouvâmes (qu’il est joli l’accent circonflexe du preterit français) à une quinzaine dans un restaurant indien pour visiter le quartier de la Goutte d’Or. Ce quartier est rarement cité dans les pages touristiques du Figaro mais on y trouve à peu près toutes les cuisines de l’Orient et de l’Afrique et toutes les personnes qui vont avec. Mais guidée par Stéphanie qui a vaincu les volcans du Kamtchatka et les steppes d’Asie Centrale, la troupe marchait sans crainte d’un bon pas.

Nous rêvions de ciel bleu, de palmiers, d’un narguilé plein d’herbes magiques, d’un air de luth …mais une dépression venue de Scandinavie par le couloir de la gare du Nord nous engloutit sous une neige lourde, lente mais tenace qui transforma les rues en pataugeoire et empêcha Stéphanie de nous lire tous les petits papiers savants qu’elle nous avait préparés (voilà pourquoi les universités ont des toits).

4876

Résumons : d’abord « la Goutte d’Or », nom d’une rue qui évoque des vignes de vin blanc. Eh oui, Paris produisait son vin, enfin, celui pour les pauvres. Un quadrilatère délimité à l’Est par les lignes de la gare du Nord (par où les Vikings envahissaient Paris) (FAKE NEWS !!), au Sud par le boulevard de la Chapelle (un décor de West Side Story), avec à l’angle la fameuse station Barbès Rochechouart, géniale synthèse entre Barbès, un Mélenchon des années 1840 et Rochechouart, une très noble famille française. Un « apparentement terrible » comme le dirait  le « Canard Enchainé ». Je disais donc, à l’Ouest, le boulevard Barbès où se trouve le métro « Château Rouge », un ancien château que le bon Roi Henri IV avait offert à sa maitresse. (ah « les petites femmes de Paris »…). Je finis : au Nord, la Goutte d’Or se perd dans le bas de Montmartre. A l’intérieur du quadrilatère, le plan des rues est un peu confus ce qui doit s’expliquer par le fait que ce quartier fut bâti au milieu du XIXeme siècle et pour leurs besoins par les ouvriers qui bâtissaient le Paris de Mr Haussmann (un Alsacien, pas un Allemand, ah mais !). Ils n’avaient pas appris la géométrie car l’école n’était pas encore obligatoire en France. Mais c’est étonnant de voir de beaux bâtiments en pierre dans ce quartier pauvre ! Haussmann aurait certainement voulu envoyer ces ouvriers dans le « Neuf Trois » (en rap, la Seine Saint Denis) mais la ligne 13 n’avait pas encore été prolongée vers le Nord.

Zola parla de la Goutte d’Or dans « l’Assommoir », roman de la misère ouvrière des années 1860. Plus tard, vinrent des populations algériennes et le quartier se paupérisa puis des populations d’Afrique Noire. Le quartier fut un point chaud pendant la guerre d’Algérie. Plus tard, l’église du quartier, Saint Bernard, fut un haut lieu de lutte pour les immigrés sans papiers. La Goutte d’Or est donc devenue de plus en plus cosmopolite.

De jour, on peine à deviner la misère et la surpopulation qui peuvent se cacher derrière des bâtiments dont beaucoup ont une assez belle allure. Rien à voir avec une ville américaine sinistrée. Paris la coquette s’efforce de sauver les apparences. De nuit, bien sûr, là comme ailleurs, de la prostitution et des trafics. Mais, rassurez-vous, le rouleau compresseur de la boboisation avance …

Vous voulez un shopping insolite ? Allez acheter vos chaussures dans un ancien dancing-cinéma de style rococo (un bon plan pour investisseurs audacieux). Prix imbattables et « Fabriqué en France », c’est marqué sur la semelle ! Un besoin de sacré ? De charmantes africaines vous vendront un litre et demi d’eau de Lourdes à 22€ (moins cher que le voyage) et des tas de talismans moins dangereux que certains sites Internet. Du poisson ? Au marché de la rue de Suez ! Des poules vivantes ? Il y en a et des rares mais pas rue Poulet ! (oui oui !) etc etc

La troupe (un peu réduite, style retraite de Russie) termina au métro Porte de Clignancourt, à la « Recyclerie », un lieu très branché où on peut boire toutes sortes de boissons en méditant sur les rails inutiles mais néanmoins parallèles du chemin de fer de la « Petite Ceinture ». La sono n’est pas du Brahms mais çà n’a pas d’importance pour les messages d’amour qui s’envoient par SMS avec emojis.

En remerciement de ses efforts contrariés par les Cieux, Stéphanie reçut le cadeau préféré de tous les petit.e.s Français.e.s (admirez l’usage du style inclusif !), à savoir Sophie la Girafe, en pur caoutchouc français qui est craquante comme on dit.

Si ça vous a plu et si vous voulez en savoir plus, télécharchez l’appli « Barbès Beats » qui vous en dira plus et en musique. (pourquoi trois fois « plu.s » alors qu’il a neigé ? Le Français est bizarre).

JMG, Paris