ÉVéNEMENTS

Visite de l’Institut Pasteur

12 avril 2019

« Commençons par la fin. Frédéric Tangy, directeur de recherche au CNRS à l’unité de génomique virale et vaccination à l’Institut Pasteur à Paris, déplore le fait que les recherches sur la vaccination sont en recul à l’Institut. Nous sommes assis dans un des amphithéâtres du campus et le chercheur exprime son opposition à cette évolution à un moment ou « les méfiances envers la vaccination sont en avance ». Il continue à expliquer que la recherche est un travail laborieux, très rarement prestigieux. Le dernier prix Nobel qu’a reçu un pasteurien – une pasteurienne pour être précis – date de 2008. Il a été remis à Françoise Barré-Sinoussi, vingt-cinq ans après son isolement du virus du sida. Au-delà du travail scientifique, le prix reconnaît l’engagement de toute une communauté dans la lutte contre le sida. Ce prix correspond donc à la conviction de Louis Pasteur que nous rappelle Frédéric Tanguy lors de sa présentation : si la recherche n’a pas de champ d’application, elle n’a pas de sens.

Deux heures avant, notre visite a commencé dans la bibliothèque de l’Institut. Une bibliothèque, nous rassure notre guide, qui partage le destin des bibliothèques partout dans le monde : de moins en moins fréquentée pour son savoir, elle l’est de plus en plus pour sa beauté. Pourtant, cette bibliothèque est bien distincte, rassemblant une dizaine de prix Nobel, reçus par des pasteuriens – « pas plus », commente ironiquement notre guide qui semble bien s’en être habitué. Au-delà du savoir rassemblé dans ses livres, la bibliothèque fait ainsi preuve de la fierté d’une communauté scientifique qui fête ses 130 ans cette année.

Au-delà de la médecine et de la recherche en biologie et chimie qui figurent en arrière-plan, notre visite de l’Institut Pasteur est un tour de force de l’histoire française. A l’époque où Louis Pasteur se voit confronté aux mœurs et traditions religieuses dans son combat pour l’hygiène (il insistera sur le fait que les sœurs hospitalières doivent couper leurs manches en travaillant dans les soins), le Baron Haussmann poursuit son grand projet d’aération de Paris – un projet d’hygiène publique avec une forte connotation politique. Pasteur, quant à lui, apprécie manifestement la proximité avec  la grande politique. En attirant notre attention sur un portrait de Pasteur en posture napoléonienne, notre guide nous explique que le scientifique a été un grand admirateur de Napoléon Ier sous lequel son père avait combattu dans les campagnes européennes. Pasteur a d’ailleurs été l’invité de Napoléon III à plusieurs reprises. Vraisemblablement, les bonnes relations entre savants et puissants ont été appréciés des deux côtés. Une génération après, Pasteur craindra pourtant pour son propre fils qui partira dans la guerre franco-prussienne. Cette expérience ainsi que la perte de l’Alsace-Lorraine marqueront Pasteur toute sa vie.

La vie de Pasteur est bien trop riche pour vouloir la saisir lors d’une courte visite. Mais son travail et son quotidien, conservés dans ses  appareils scientifiques et les images sur les murs des lieux de travail et de son appartement accompagnés par les anecdotes avertis de notre guide, permettent tout de même d’appréhender sa vie. Finalement, c’est les histoires comme celle des « 16  Russes  de Smolensk », sauvés par Pasteur après avoir été mordus par un loup enragé, qui remplissent de vie l’histoire de Pasteur. Et c’est ces anecdotes qui soulignent la conviction pasteurienne, mise en avant par Frédéric Tangy lors de sa présentation : la recherche trouve son  sens dans son application à la vie réelle.

Ce message qu’emmènera le groupe DAAD Alumni France de sa visite de l’Institut Pasteur est aussi simple que puissant. Et il réconfortera les étudiants et diplômés en sciences humaines, membres du groupe, avec les commentaires concluant d’un professeur des sciences dures, remarquant que « les recherches en virologie ne sont pas la même chose que comme quand on écrit un roman d’amour ou peint un tableau ». Signalons au passage que Pasteur était un artiste à sa manière puisqu’il  était né avec un remarquable talent de dessinateur.

Les 25 membres du groupe du DAAD sont repartis riches d’un savoir porteur de réflexions. L’accueil chaleureux et l’effort didactique  des deux « pasteuriens » Michaela  Müller-Trutwin – une Alumna de notre association – et Pierre Lafaye ont été appréciés à leur juste valeur.

 

Auteur : Jacob Ross