ÉVéNEMENTS

5ème voyage de DAAD Alumni France : Bordeaux !

Le Groupe idéal : 11 Allemand(e)s / 11 Français(e)s // 11 femmes / 11 hommes.

Jeudi 8 Novembre

La première visite fut pour l’ENSAM sur le campus de Talence (SO de Bordeaux) à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers (joli vocable né de la Révolution Française) et en particulier l’Institut d’Ingénierie Mécanique où nous fûmes reçus par son directeur, Mr Batsale, président de la Société Française des Thermiciens et alumnus DAAD, adhérent de notre association.

Unité Mixte de Recherche de 300 personnes dont 125 Doctorants, classée en « Initiative Excellence ». 8 M€ de budget, financé à 50% par des contrats avec l’Industrie. Plusieurs sections :

Aéronautique (de défense) / Photonique (lasers etc) / « Xylofutur » : le bois pour valoriser la grande forêt de pins au sud de Bordeaux / Pétrole.

Bordeaux rata la 1ère révolution industrielle (charbon, acier etc.), ce qui facilita son investissement dans l’industrie du futur : aéronautique, matériaux composites, intelligence artificielle. On put visiter un hall de diverses machines à commande numérique. (difficile de trouver de bons opérateurs à minimum Bac +3.)

 

La deuxième visite de la journée fut pour le Service des Relations Internationales de l’Université de Bordeaux (« UB »).

  • 56.000 étudiants dont 1/3 dans le secteur de la Santé, 12% d’étrangers, 60 programmes internationaux.
  • Campus d’excellence.
  • L’UB considère l’Internationalisation comme une priorité. L’Allemagne est le 1er pays accueilli à l’UB mais seulement le 6ème pays d’accueil des étudiants de l’UB. Elle est néanmoins le 1er partenaire scientifique de l’UB et 2120 co-publications ont été faites avec des établissements allemands.

Christian Thimme, directeur du DAAD France, et Lotta Resch, chargée des bourses de recherche au sein du DAAD France, présentèrent le DAAD. 789 étudiants allemands sont venus en France dans l’année contre seulement 428 Français en Allemagne. La barrière linguistique, dyssimétrique, explique sans doute une partie de cet écart. On sentit les universitaires bordelais frissonner d’envies en entendant le budget annuel du DAAD de 500 millions d’€…

On termina – merci DAAD – la soirée au « Café Français », vénérable établissement de 1899 à l’ombre de la cathédrale (il faisait nuit).

 

Vendredi 9 Novembre

Ce fut la journée du Vin, ce Vin qui a fait connaitre Bordeaux mondialement.

On commença, par une PME (« Petite et Moyenne Entreprise »), l’entreprise « Bellot » dirigée par un français d’origine allemande, Laurent Karrasch, qui, pour l’occasion arborait (un joli mot français) une belle veste bavaroise.

Bellot fabrique toutes sortes d’appareils en plastique ou en métal pour les cuves, les tonneaux etc. On assista au pressage/moulage d’un couvercle de cuve et on s’extasia devant la robinetterie Inox d’un tonneau … c’est que le tonneau est courbe, ma bonne dame ! Bref un mélange de science des matériaux, de chimie du vin et d’artisanat d’art. On apprit qu’avant le grand Pasteur, les vins se gardaient mal et que Pasteur, chimiste, travailleur fou, un peu médecin, un peu magicien, eut l’idée d’y ajouter du soufre (sulfites) qui augmenta considérablement leur durée de conservation. Voilà bien qui mérite que Pasteur soit le nom de rue le plus répandu en France, toutes étiquettes politiques confondues, avec Victor Hugo et le général de Gaulle. D’ailleurs à Bordeaux le « cours » Pasteur croise le « cours » Victor Hugo en plein centre-ville. (J’ajoute que Pasteur inventa aussi le traitement contre une maladie de pourrissement de la vigne appelée le « mildiou » avec un traitement à base de cuivre qui reçut le nom de « bouillie bordelaise »).

Revenons à Bellot : mouleur de plastiques, chaudronnier et expert en soudures sur différents métaux. 3 M€ de ventes, France et International. Laurent Karrasch, totalement bi-culturel, nous vanta les mérites des coopérations interentreprises pour emporter des marchés, un art du travail d’équipe où les Français ont beaucoup à apprendre des Allemands. Un magnifique exemple de « Mittelstand » français, trop rare, ce Mittelstand qui fait la force de l’industrie Allemande, Suisse et d’Italie du Nord où il sème ses usines dans les plus petites villes. En sortant de la visite, le rapporteur se fit la réflexion que le « business model » de ce genre d’entreprise est bien plus difficile que celui de gens comme Nike : Nike vend cher des produits très bon marché à fabriquer, à des gens peu fortunés et à grands coups de publicité basée sur des « stars ». Des gens comme Bellot doivent se battre pour vendre à un prix convenable à des gens riches (les « châteaux » viticoles) des produits d’excellence qui coûtent cher à fabriquer.

Entre deux vins, visite du Laboratoire de psychologie-sociologie de l’Université de Bordeaux, Place de la « Victoire » en plein centre-ville.

Ce fut une heureuse première pour le DAAD. François Ric, le directeur, nous présenta son laboratoire : 33 chercheurs, 30 doctorants. Exemples de sujets d’étude :

  • Les changements de comportement : devenir plus « verts »
  • Usages numériques des adolescents : trop d’écran nuit gravement !
  • Transitions et Sécurisation des parcours professionnels etc.

50% du travail se fait en « laboratoire », 50% sur le terrain (enquêtes etc.).

Contacts avec l’Allemagne faibles bien que Mr Ric ait loué l’école de psychologie allemande expérimentaliste. En conséquence, la présentation de Lotta Resch sur le DAAD fut écoutée avec attention et donna lieu à des questions intéressées.

 

Pour revenir au Vin, on repartit ensuite hors de Bordeaux et on visita le tout récent « Institut de la Vigne et du Vin ».

A la fois, centre de recherche d’excellence dans l’(al)chimie du vin, la recherche agronomique etc. et vitrine de prestige du Vin de Bordeaux dédiée aux professionnels. Complémentaire de la nouvelle Cité du Vin, sur les quais de la Garonne à Bordeaux, plus tournée vers les touristes.

250 chercheurs, 500 étudiants + les stagiaires, de plus en plus internationaux.

On nous parla du développement de « l’oenotourisme » : visiter / déguster/acheter…

Beau bâtiment, installations de pointe, le plus grand espace de dégustation du Monde (ça ressemblait en plus grand et plus chic aux charmantes salles de chimie de nos lycées) … Mais que manquait-il ? L’esprit du Vin, peut-être.

Celui qu’ont chanté les poètes en de nombreuses langues y compris le persan (il y a longtemps).

« Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles » (Les Fleurs du Mal, Baudelaire)

«  Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire » (Rhénanes, Appolinaire) etc. etc.

Et puis tout ce merveilleux vocable du vin, charnu, érotique et féminin : la « robe » d’un vin, «  un vin qui a de la cuisse… », « un vin long en bouche » etc. Il ne figurait sur aucun mur. On aurait pu en faire une fresque « lettriste »… Les Chinois, Russes et Américains n’auraient pas compris les mots mais en auraient entrevu les délicieux mystères. Mais la chimie, elle, est une langue internationale…

Bref, pour le rédacteur du présent compte rendu, le très savant Institut du Vin semblait avoir « le vin triste ». Tout le contraire de sa fonction sociale.

 

On ne quitta pas le vin car un « embouteillage » (de voitures, hélas) nous fit arriver à la réception prévue à la Mairie avec trois quarts d’heure de retard. Mme Florence Forzy-Raffard, Conseillère aux affaires européennes de la métropole de Bordeaux, eut la patience de nous attendre et nous fit un petit discours très professionnel sur la nécessité pour les grandes métropoles d’avoir « une politique étrangère ».

Puis on but quelques verres (notre Présidente prit du jus d’orange). Madame la Consule Générale d’Allemagne, point épuisée par quelques dizaines de célébrations de la fin de la Grande Guerre par tout le Sud-Ouest, nous fit aussi un beau discours et, visiblement grande sportive, nous précéda à vélo au dîner offert par le DAAD au « Café du Port », de l’autre côté de la Garonne. Les DAADistes firent une bonne marche à travers le centre-ville et le « Pont de Pierre ». Retour à l’hôtel en retraversant le vieux « Pont de pierre » et en longeant côté ville les quais un peu obscurs de la Garonne. Tous les buveurs qui y trainaient n’étaient hélas pas des poètes.

 

Samedi 10 Novembre

C’était la journée touristique. Bordeaux est une des villes qui a le plus grand périmètre urbain classé au Patrimoine Mondial de l’Unesco. Elle le doit surtout à son architecture XVIIIème siècle magnifiée par les ravalements récents. (cf. ci-après)

On démarra sur la « place des Quinconces » au pied du monument des Girondins restauré récemment. (cf. ci-après). On parcourut le centre de Bordeaux conçu au XVIIIème siècle, on entra dans les vieux quartiers dont les façades médiévales furent « relookées » au XVIIIème siècle et on termina « Place de la Bourse » au pied du fameux miroir d’eau qui reflète les magnifiques bâtiments où se concentrait la vie économique de l’époque. Leur splendide architecture classique, avec une pointe de baroque, devait faire l’admiration des navires étrangers qui abordaient au port. Un port qui joua un grand rôle dans la prospérité de Bordeaux.

Exportation du vin vers l’Angleterre et l’Europe du Nord (Amsterdam, Hambourg) dès le Moyen Age, idem à l’âge d’Or de la ville, le XVIIIème siècle, avec le commerce colonial (épices etc.) … et le commerce des esclaves d’Afrique vers l’Amérique, exportation du bois au XIXème siècle, importation et transformation des produits coloniaux (café, cacao, bananes, arachide pour faire de l’huile etc.) au XXème siècle.

On termina par une mini croisière sur la Garonne, fleuve turbulent et boueux qui subit la marée jusqu’à plus de 100 km de son embouchure sur la mer (il fait alors 10 km de large !). A Bordeaux même, les écarts entre marée basse et haute peuvent atteindre 5 m, ce qui est assez exceptionnel. Le port de Bordeaux a quitté le centre-ville, les hangars à marchandises ont été détruits et transformés en promenade et le port – sous un format réduit – s’est réinstallé plus en aval, en direction de la mer.

A ce qu’a dit la conférencière, j’ajouterai une merveilleuse citation de Victor Hugo qui visita Bordeaux en 1843 en route vers les Pyrénées avec sa maitresse Juliette Drouet. Enthousiasmé par la beauté de la ville qui n’avait pas encore été salie par le charbon des cargos et des chauffages, il déclara :

« Prenez Versailles, ajoutez-y Anvers, vous aurez Bordeaux ».

Sur les tableaux de Bordeaux peints à la fin du XVIIIème siècle, on voit effectivement plusieurs rangées de voiliers amarrés le long des quais, face aux splendides façades de la Bourse Maritime dans le style de Versailles.

 

L’architecture de Bordeaux

Le centre de Bordeaux, dans l’enceinte des boulevards, soit environ un carré de 1.5 km de côté, est entièrement bâti en pierre de taille, de couleur jaune pâle. Même des maisons modestes sans étage sont en pierre de taille (c’est-à-dire des pierres taillées en blocs rectangulaires) comme celle qu’on peut voir à Paris dans les immeubles « hausmanniens » de luxe du XIXème siècle.

Les maisons modestes n’ont pas d’ornements, les maisons bourgeoises sont ornées de motifs à l’antique et de « mascarons », sculptures réalistes ou fantaisistes au-dessus des fenêtres et portes. Une bonne partie de tout cela date du XVIIIème siècle, âge d’or où Bordeaux était la 2ème ville de France.

 

Texte : Jean-Michel