ÉVéNEMENTS

Compte rendu : Visite des Archives nationales

19 mars 2022

Par Lucile Chartain

Le 19 mars 2022, un groupe d’une vingtaine d’alumni a découvert le site des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine. La visite était guidée par Lucile Chartain, responsable d’une partie des archives de la Seconde Guerre mondiale à Pierrefitte. Elle a été l’occasion de parcourir des espaces habituellement non accessibles au public, et d’explorer des aspects méconnus des Archives nationales.

La visite a tout d’abord commencé par une présentation générale de l’institution, de l’histoire des bâtiments, et plus spécifiquement du site de Pierrefitte.

Les Archives nationales sont indissociables de la Révolution française : dès le 29 juillet 1789, l’Assemblée constituante se dote d’un archiviste, Armand-Gaston Camus, chargé de conserver les documents relatifs à son fonctionnement. L’institution est officiellement créée le 12 septembre 1790, avec un objectif démocratique affiché : les citoyens doivent pouvoir avoir accès librement aux archives de l’État et des administrations gouvernantes, dans un souci de transparence de l’exercice du pouvoir politique.

Les Archives nationales sont dès lors en charge de la collecte, de la conservation, du classement et de la communication des documents provenant principalement du pouvoir central (c’est-à-dire des chefs de l’État et de gouvernement, des ministères et des administrations centrales). Ce sont les fameux « quatre C » à la base de l’activité archivistique, qui ont été présentés concrètement à chaque étape du parcours de visite. A noter que la collecte concerne aussi des archives privées considérées « d’intérêt historique » (personnalités ou associations par exemple, qui font le plus souvent don de leurs archives à l’institution).

Historiquement, le site de Paris dans le Marais est le plus ancien : les Archives nationales s’y installent en partie dès 1808. Mais les bâtiments, anciens (des hôtels du XVIIIe siècle notamment), sont peu adaptés à la conservation des archives. En 1969, un ancien bâtiment de l’OTAN est réinvesti à Fontainebleau pour « désengorger » Paris et accueillir les versements des ministères, ainsi que les archives électroniques). Dès les années 1990, les deux sites sont saturés, et les problèmes de conservation récurrents. L’ouverture d’un nouveau site, construit spécifiquement dès l’origine pour la conservation d’une grande masse de documents, est actée en 2001 par Jacques Chirac et Lionel Jospin.

L’emplacement actuel, à Pierrefitte-sur-Seine, est choisi en 2004 : le terrain au sol est très important, et son acquisition bénéficie d’une aide financière du département de la Seine-Saint-Denis et de la communauté de commune. Un concours d’architecture est lancé par le ministère de la culture (tutelle des Archives nationales) : parmi les quatre projets présentés, celui de l’architecte italien Massimiliano Fuksas est choisi en 2005.

La maquette du projet, désormais exposée dans le hall d’accueil, permet de visualiser la dualité du bâtiment voulue par Fuksas : un immeuble de grande hauteur (IGH) d’une part, et des « satellites » d’autre part. Cette dualité reflète la double fonction du lieu : l’IGH, pensé comme un « coffre-fort » d’archives doté d’une isolation thermique spécifique, doit permettre la conservation d’une très grande masse de documents (avec une capacité globale de 380 kml d’archives) ; tandis que les satellites correspondent à l’ouverture démocratique du lieu au public (accueil, auditorium, service éducatif notamment). En tout, 300 agents environ travaillent sur le site de Pierrefitte, qui peut accueillir jusqu’à 320 lecteurs. Les passages entre les espaces de réception, de conservation et de consultation des archives sont conçus pour être le plus « courts » possibles afin de limiter les ports de charge et les déplacements de documents. Parallèlement à ces fonctions pratiques de conservation et de circulation des archives, la dimension esthétique du lieu est notamment assurée par des bassins d’eaux permettant des jeux de lumière et de reflets.

Le site de Pierrefitte constitue le plus grand centre d’archives d’Europe. Mais, en raison de la fermeture du site de Fontainebleau pour risque d’effondrement, le site sera a priori saturé en 2030 et non plus en 2050 comme le prévoyait le projet initial, d’où la construction prochaine d’une extension derrière l’IGH.

Actuellement, les fonds sont donc répartis entre le site de Paris (toujours en activité) pour les archives du Moyen-Âge et de l’Ancien Régime (ainsi que pour les archives notariales) et le site de Pierrefitte pour les archives postérieures à la Révolution française.

Après cette présentation générale, les participants ont ensuite été invités à suivre le « parcours » des documents selon la fameuse règle des « 4 C » chère aux archivistes (collecte, classement, conservation, communication) à travers une visite des bâtiments incluant une présentation de quelques documents emblématiques en magasin.

Ce parcours a commencé par le premier « C », c’est-à-dire la collecte, avec une présentation du quai de déchargement où sont réceptionnés les nouveaux versements d’archives. Environ 6 kml d’archives, principalement en provenance des administrations, sont collectés chaque année.

A leur arrivée, les archives sont accompagnées d’un bordereau de versement qui correspond plus ou moins à un « pré-inventaire » : c’est-à-dire qu’elles sont certes décrites, mais relativement succinctement par les services producteurs versants. Lorsque la collecte concerne des fonds privés, les archives ne sont parfois pas du tout classées, elles arrivent « en vrac ». Les archivistes en charge de la gestion des fonds doivent donc finaliser le classement (le deuxième « C »), c’est-à-dire décrire précisément chaque boîte d’archives pour que les lecteurs puissent ensuite retrouver les informations recherchées. Cette rédaction des inventaires constitue le traitement dit « intellectuel » des archives.

Les participants ont ensuite été invités à explorer l’IGH, c’est-à-dire le « coffre-fort » des magasins d’archives qui couvre 11 étages.

Après un premier aperçu des alignements de magasins, un détour par l’atelier de restauration a permis d’évoquer le traitement dit « matériel » des documents (conservation préventive et curative). Parallèlement au traitement intellectuel, les archivistes effectuent en effet un diagnostic de l’état matériel des archives à leur arrivée, en coopération étroite avec les équipes de la conservation et de la restauration. L’objectif est double : choisir les meilleurs conditionnements en fonction des types de documents (les formats, les matériaux sont en effet très différents d’une archive à l’autre), et déterminer les pièces qui ont besoin d’une opération de restauration. Pour ce faire, l’atelier des Archives nationales est doté de technologies et de machines de pointe.

La visite s’est poursuivie par la découverte d’un magasin d’archives et de ses équipements spécifiques (système anti-incendie, plan de sauvegarde des documents prioritaires en cas de sinistre, etc.). Cette découverte s’est accompagnée de la présentation de documents emblématiques « dans leur jus », à savoir les premières lois de l’Assemblée constituante de 1790 (qui constituent les documents les plus anciens conservés sur le site de Pierrefitte) et de documents relatifs à la Seconde Guerre mondiale.

Enfin, l’exploration des bâtiments s’est terminée par un passage par la salle de lecture et ses différents espaces : salle dédiée aux microfilms, espace grands formats, salle d’orientation pour les lecteurs (salle des inventaires).

Une présentation de documents d’archives a ensuite été proposée dans une salle du service éducatif du bâtiment : dossiers de naturalisation de Jacques Offenbach et Max Ernst, documents des pavillons allemands de l’exposition universelle de Paris de 1867 et de 1937, correspondances Adenauer/de Gaulle, plans de cimetières allemands de la Première Guerre mondiale, et documents spécifiques à la Seconde Guerre mondiale (billets rédigés par des déportés en prison, lettres de dénonciation de Juifs et suppliques adressées à l’État français en faveur de Juifs persécutés, documents de propagande allemande notamment).

Enfin, une visite libre de l’exposition temporaire, « Au Salon des arts ménagers (1923-1983) : plateau volant, motolaveur, purée minute… », basée sur des fonds d’archives versées par le CNRS, a été l’occasion de découvrir l’impact de l’essor de la société de consommation sur la vie quotidienne des Français.