ÉVéNEMENTS

Compte rendu : Visite du Louvre – relations franco-allemandes à travers l’art

19 juin 2022

Le dimanche 19 juin 2022, un groupe de 20 adhérents de notre association a participé à une visite inhabituelle du musée du Louvre. Le défi lancé à notre accompagnatrice, Dominique Misigaro, conférencière nationale diplômée de l’École du Louvre : tracer un parcours à travers les collections du musée permettant de faire apparaitre les relations artistiques, industrielles et politiques entre la France et l’Allemagne. Cette objectif thématique, défiant à la fois l’ordre chronologique et l’organisation des espaces des collections, nous a permis, à travers une longue marche, de redécouvrir ce lieu énigmatique d’une toute autre perspective, en s’attardant par moments sur des œuvres moins connues.

Ce compte rendu ne peut pas faire justice au discours érudit, étoffé et fluide de notre conférencière et se focalise donc sur quelques points forts de la visite. Nous avons commencé celle-ci dans la cour Khorsabad, ou sont exposées les œuvres monumentales du royaume assyrien (VIIIe siècle av. J.-C.). Ici, nous nous sommes attardés sur la concurrence franco-allemande dans le domaine de l’archéologie, à l’image des fouilles menées à Khorsabad (dans le nord de L’Irak actuel) par le Français Paul-Émile Botta (1843-1844) et celles menées à Babylone par l’Allemand Johann Koldewey (1899-1917). Les fruits de ces-dernières étant principalement exposés au Pergamon Museum de Berlin, un seul bas-relief exposé au Louvre fait référence à la célèbre porte d’Ishtar et sa voie processionnelle teinte en bleu.

Après une étape devant l’imposante œuvre « Athanor » commanditée en 2007 par le Louvre à l’artiste allemand Anselm Kiefer et exposée sur le palier de l’escalier nord de l’aile Sully, notre groupe s’est dirigé vers le « Département des Objets d’art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes ».

C’est ici que nous avons découvert la table de Breteuil, réalisée par l’ébéniste allemand Johann Christian Neuber en bronze dorée sur âme de bois et intégrant pierres précieuses et médaillions de porcelaine (1775-1800). Cette table avait été offerte par Frédéric-Auguste III de Saxe à Louis Charles Auguste Le Tonnelier, baron de Breteuil, pour remercier le baron de son rôle important dans la signature du traité de Teschen, qui avait mis fin à la guerre de succession de Bavière (1779).

Notre visite s’est poursuivie par les collections dédiées à l’art rococo (style rocaille en France), où nous nous sommes attardés sur la concurrence industrielle entre les manufactures de porcelaine française et allemande situées à Sèvres et à Meissen. C’est au 18e siècle, suite à la découverte de gisements de Kaolin dans ces pays, et grâce au procédé de l’alchimiste allemand Frédéric Böttger, qu’une manufacture européenne de porcelaine à pâte dure, pouvant concurrencer les importations de Chine, a pu naître.

Ensuite, après avoir traversé les appartements officiels de Napoléon III, où nous avons découvert deux portraits de l’empereur et de l’impératrice Eugenie, copies d’après le peintre allemand Franz-Xavier Winterhalter (1805-1873), notre groupe s’est rendu au dernier étage de l’aile Richelieu, où sont exposées les peintures de l’école du nord. Ici, nous nous sommes intéressés aux peintres allemands des 15e et 16e siècles (Memling, Dürer, Holbein et Cranach), période pendant laquelle les territoires constituant aujourd’hui l’Allemagne étaient le lieu d’importants échanges culturels et commerciaux le long du Rhin entre les Pays-Bas et l’Italie. Les œuvres de ces artistes contrastent avec le style prévalant en France à cette époque, à l’image du portrait de François Ier réalisé par Jean Clouet (1525-1550).

En employant l’escalier Daru, imaginé par les architectes Charles Percier et Pierre Fontaine sous Napoléon Ier pour faire du Louvre un centre de la culture artistique et où s’élance la magnifique Victoire de Samothrace, notre groupe s’est alors dirigé vers le point culminant de notre visite, la grande galerie du Louvre avec ses œuvres emblématiques de la peinture italienne. C’est dans le salon carré, dont les inscriptions au plafond honorent les grands artistes européens du 18e et 19e siècle, que notre conférencière évoque la genèse du Louvre en tant que musée. Puis, au sein des « salles rouges » construites sous Napoléon III, notre groupe s’est alors attardé à contempler deux œuvres célèbres : « Le sacre de Napoléon 1er » de Jacques-Louis David (1804-1808), et le « Le radeau de la Méduse » de Théodore Géricault (1819).

Pour finir la visite, c’est au rez-de-chaussée, à côté de la statue en bois de Sainte Marie Madeleine par Gregor Erhart (1515-1520), que Dominique Misigaro évoque l’importante et pesante question de la restitution et de la récupération d’œuvres d’art dérobées pendant les périodes de guerre et de totalitarisme en Europe. La restitution des œuvres confisquées pendant les guerres napoléoniennes a été actée par le traité de Paris (1815) et a été achevée à quelques exceptions près.

La restitution des œuvres dérobées durant la période du Troisième Reich est plus difficile. Après la Seconde Guerre mondiale, les forces alliées ont retrouvé en Allemagne des œuvres et des objets d’art provenant de France, dont un grand nombre étaient spoliés, principalement à des familles juives. Sur les environ 100.000 œuvres spoliées, 61.000 furent renvoyés en France. La Commission de récupération artistique (CRA), créée en 1944, en restitua 45.000 à leurs propriétaires légitimes avant 1950. De 1949 à 1953, le CRA identifia parmi les 16.000 biens restants environ 2.000 œuvres pouvant encore être restituées. Ces œuvres ne font pas partie des collections nationales : elles sont inscrites sur des inventaires provisoires dédiés et sont communément désignées par l’acronyme « MNR » (Musées Nationaux Récupération).

Après avoir amplement remercié Dominique Misigaro, notre groupe n’a pas encore voulu se quitter et nous nous sommes donc retrouvés sur la terrasse d’une des buvettes du Jardin du Palais-Royal pour nous ravitailler et échanger nos impressions.

G. Dietze